Samedi 29 juillet
Notre petit déjeuner pris, nous quittons l'hôtel et partons pour la gare. Nous montons dans le Shinkansen Sakura, qui franchit en une heure et demie les 280 kilomètres qui séparent Hiroshima d'Osaka, où nous arrivons vers midi. Un taxi nous dépose au Bridge Hotel Shinsaibashi (environ 110 euros), un établissement strictement fonctionnel à l'image des précédents. Notre chambre est si petite qu'il est à peine possible d'y ouvrir nos valises. Nous décidons d'entamer la visite de la ville par une promenade sur la Shinsaibashi-Suji, grande rue commerçante couverte que nous arpentons avant de pousser jusqu’au parc Nakanoshima, le plus ancien parc public d'Osaka. Cette oasis de verdure fondée en 1891 est située à la pointe est de l'île du même nom, mais cet espace vert découvert ne protège en rien de la chaleur décidément trop oppressante, et nous rentrons à l'hôtel en métro pour retrouver l'ombre et la climatisation de notre chambre.
Pour le repas du soir, nous décidons de nous rendre dans le quartier de Dōtonbori, la célèbre destination touristique d'Osaka. Nous nous promenons le long du canal, admirant les reflets miroitants des innombrables illuminations, avant de nous diriger vers Hozenji Yokocho Alley, un mini-havre de maisons basses en bois niché au cœur des immeubles modernes du quartier.
Nous jetons notre dévolu sur un restaurant de wagyu proposé selon la formule kuidaore, soit "manger jusqu'à se ruiner" ! Sans pousser l'excès jusqu'à cette extrémité, nous commandons néanmoins quatre découpes différentes de viande, que nous faisons griller sur un barbecue intégré dans notre table (yakiniku). Le bœuf est délicieux, et nous nous amusons de voir notre saké servi par un petit robot qui rejoint notre table à grand renfort d’exclamations. Notre addition s'élève à environ 50 euros par personne, tout compris. Nous reprenons tranquillement le chemin de notre hôtel tout en profitant de l’animation nocturne et des flamboyantes enseignes du quartier.
Dimanche 30 juillet
Heureusement, le petit déjeuner de l’hôtel est de meilleure qualité que les précédents. Nous préparons un sac de voyage en vue de notre excursion à Koyasan, et laissons le reste de nos bagages à la garde de l’hôtel jusqu’à notre retour prévu le lendemain. Un Uber nous emmène à la gare de Namba Nankai, d’où nous prenons un train qui nous conduit à Gokurakubashi en 90 minutes, pour un trajet de 65 kilomètres seulement. Cette petite ligne serpente dans un paysage de plus en plus montagneux, où les jolis villages se raréfient à mesure qu'on approche de la destination. De la gare de Gokurakubashi, un funiculaire emmène les voyageurs à la gare de Koyasan... distante de 800 mètres pour un dénivelé de près de 330 mètres. Enfin, un bus obligatoire (route interdite aux piétons) nous dépose au "centre" de Koyasan, à quelques mètres du monastère bouddhiste dans lequel nous allons loger. Sans être un village à proprement parler, Koyasan est plutôt une agglomération de temples sur un site bouddhiste sacré, fondé au IXe siècle par le moine Kūkai, connu aussi sous le nom de Kobo Daichi. Le site est perché au sommet du Mont Koya et entouré d’une forêt dense, ce qui en fait un endroit particulièrement paisible et propice à la méditation. Koyasan abrite plus de 100 temples bouddhistes de la branche Shingon, dont une bonne moitié propose un hébergement (shukubo) aux pèlerins et visiteurs. Le nôtre est le Sekishō-in, l'un des plus grands de Koyasan, doté d’un beau jardin zen, d’une architecture traditionnelle bien préservée et d'une décoration simple et épurée.
Nous laissons notre sac à l'accueil du temple et partons à la découverte des environs, au fil des nombreux temples disséminés parmi les arbres.
L'ensemble Danjo Garan constitue le cœur sacré du mont Koya. Ce complexe de temples, qui compte actuellement une vingtaine de bâtiments, fut le premier érigé par Kobo Daishi. On remarque d'emblée le Konpon Daito, une pagode vermillon haute de 49 mètres dont les seize piliers sont ornés de représentations de bodhisattvas. À l'instar des autres bâtiments, le Kondo, premier pavillon où Kobo Daishi dispensait son enseignement, a été ravagé plusieurs fois par des incendies, et reconstruit à l'identique.
La température est ici moins élevée en raison de l’altitude, mais nous nous offrons néanmoins une halte et un rafraîchissement bienvenus avant de nous rendre au cimetière d’Okuno-in, l’un des plus grands du Japon, en réalité une gigantesque nécropole. Pas moins de 200 000 pierres tombales sont rassemblées en ce lieu sacré, et veillent sur les défunts au milieu d'une forêt de pins et de cèdres pluriséculaires. Le chemin qui traverse ce cimetière est parsemé de lanternes de pierre (shidoro), et les nombreuses statues du bodhisattva Jizo Bosatu traditionnellement ornées de bavoirs et bonnets rouges mettent des touches de couleur dans cet immense paysage végétal et minéral. Rien de sinistre dans ce royaume des âmes d'où se dégage au contraire une sérénité apaisante, une beauté hors du temps.
Cimetière d'Okuno-in
De retour au Sekishō-in, nous prenons possession de notre chambre un peu défraîchie, meublée avec sobriété selon la tradition, avec deux futons, l'incontournable table basse (zataku), et une petite terrasse donnant sur le jardin.
Nous profitons de l’onsen rudimentaire du temple avant de nous préparer pour le dîner qui est servi en commun, très tôt, à 17h30 ! Dans une grande salle, chaque convive s’installe à même le sol devant deux petits plateaux sur pieds où le repas est déjà présenté. Le shojin ryori est la cuisine végétarienne traditionnelle des moines, à base de produits locaux et de saison. Elle respecte aussi un certain nombre de principes : cinq saveurs, cinq couleurs, cinq méthodes de préparation, etc. Nous recevons notamment du riz, un gomadofu (tofu de sésame, une spécialité de la région), une soupe miso, du thé et une pêche. Un repas certes sain et équilibré, mais néanmoins aussi fade que le veut la tradition... et vite avalé.
À 19 heures, nous entamons une promenade nocturne dans le cimetière d’Okuno-in, accompagné d’un moine anglophone qui nous abreuve de ses explications enthousiastes. À la lueur des lanternes maintenant allumées qui bordent les allées, l’atmosphère se fait plus mystérieuse, aidée en cela par la pleine lune qui diffuse son halo entre les cimes des arbres. L'itinéraire emprunté nous fait traverser trois ponts successifs, le dernier (Gobyo-no-hashi) marquant le début de la zone hautement sacrée au-delà de laquelle les photos ne sont plus autorisées. Nous ne pouvons donc que garder en nos mémoires le souvenir du Kobo Daishi Gobyo, soit le mausolée de Kūkai, et le Torodo, bâtiment adjacent où scintillent dans la nuit des milliers de lanternes, chacune honorant un défunt particulier.