L'Osteria Francescana, le restaurant du célébrissime Massimo Bottura, fut sacré Meilleur restaurant du monde en 2016 et 2018 par The world's 50 Best Restaurants. Il a obtenu 3 étoiles au guide Michelin en 2012. Après avoir enfin réussi à réserver une table (tout est pris d'assaut dans les 5 minutes suivant l'ouverture des réservations), le grand moment est arrivé : nous voilà trépignants d'impatience devant la porte du restaurant. Celui-ci n'ouvre qu'à 20 heures et ne laisse entrer personne avant l'heure dite, malgré les coups de sonnette. Le moment venu, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans l'établissement et découvrons un hall orné d'œuvres d'art. Nous empruntons un couloir sinueux donnant l'impression de conduire à un lieu secret, et découvrons la salle où on nous installe. Avec des murs beiges et des tables nappées de blanc, l'ambiance est plutôt classique. Les seules notes de couleur sont apportées par un tableau représentant un planisphère ainsi qu'une moquette aux motifs floraux. Chaque table est éclairée par une haute lampe sur pied, telle une tige venant surplomber les assiettes.
Le personnel, arborant chemise blanche, costume et cravate noirs, nous présente le menu 'We are here', facturé 325 euros. L'assortiment vin revient quant à lui à 210 euros. Pour l'apéritif, nous optons pour un Anna-Maria Clementi Franciacorta 2015 Ca' del Bosco, un vin effervescent italien méthode champenoise non dosé (30 euros), très agréable et aux bulles fines. On dépose sur notre table de très fins grissini encore chauds, au savoureux goût d'huile d'olive.
Nous recevons nos premières dégustations : Mare Nostrum (cerise faite d'olives vertes et de tomates, avec à l'intérieur une crème de veau agrémentée d'un peu de câpres et pesto) au goût intense ; Sotto la vigna (betteraves et carottes, un mini-sandwich végétal croustillant aux saveurs herbales débouchant sur de la betterave) et Carbonara (bonbon fourré de caviar et guanciale, glacé au jaune d'œuf et poivre) au cœur coulant dont le goût s'intensifie progressivement. La dernière préparation, Vignala (bouillon de bœuf, jus de cerise), chaleureux et parfumé, est à déguster entre chacune des trois bouchées précédentes.
Notre premier vin est un Fonte Canale 2021 Christiana Tiberio, Trebbiano, un vin des Abruzzes frais, précis et minéral pour ouvrir le repas. La première assiette est intitulée 'Una Patata che vuole diventare un Tartufo' (une pomme de terre qui veut devenir une truffe). Ce trompe-l'œil en forme de tubercule est constitué en réalité d'un pain à base de farine de pomme de terre, surmonté de truffe râpée.
Notre plat suivant, intitulé 'Camouflage Sud', se compose de trois sauces - fèves, betterave et persil - offrant un joli jeu de couleurs, avec au centre un flan de brocoli, chicorée et olives noires. Pour accompagner le tout, un bouillon d'artichaut et orange. Dans notre verre, un Picolit 2021 Marco Sara, un vin doux un vin de Frioul-Vénétie julienne offrant une grande intensité et une belle puissance, qui vient arrondir les saveurs du plat.
Le sommelier nous sert le vin suivant, un Mareneve 2020 Federico Graziani, un vin de Sicile au nez intense et à la bouche aromatique. Dans notre assiette, 'Un pesce comme un Tortello di Zucca' (un poisson comme un tortello de citrouille). La sauce est composée de chutney de pomme, citrouille et biscuits amaretti. Le poisson, recouvert d'une panure et tout en tendreté, évoque la forme d'un tortello, tandis que la sauce contient les ingrédients de la farce d'un tortello classique.
Arrive maintenant 'Le lenticchie sono meglio del Caviale' (les lentilles sont meilleures que le caviar). Les lentilles constituent un trompe-l'œil de caviar, tandis que les fregola pasta évoquent également la forme du caviar. La cuisson est réalisée dans un bouillon de crabe bleu et d'artichaut, agrémenté par la délicate note de fraîcheur du pamplemousse. Pour accompagner cette préparation, pas de vin, mais un drink à base de vermouth rouge et soda, dont l'amertume fait écho au pamplemousse.
Notre vin suivant est un Riesling Kabinet 2022 Fritz Haag, un Riesling allemand assez fruité et velouté, présentant une légère effervescence. Il accompagne une préparation intitulée 'Tortellini o Dumplings ?' (tortellini ou ravioli ?). Les tortellini contiennent notamment jambon cru, parmesan, mortadelle et kimchi. Un savoureux classique inspiré par l'Asie et modelé comme une sorte d'hybride entre un ravioli et un wonton, servi dans un bouillon de poulet d'une élégante saveur avec un soupçon d'algues.
Le sommelier nous sert maintenant un Ribolla Gialla 2019 Damijan Podversic de la région de Frioul-Venétie julienne, un vin à macération pelliculaire complexe et élégant au nez, intense et vif en bouche. Il accompagne un 'Millefoglie di Foglie' (millefeuille de feuilles), servi avec un pain doux surmonté de différentes chips, le tout servi avec un jus corsé aux pommes de terre brûlées.
Dans notre verre, un Plane 2020 Le Piane du Piémont, intense et concentré avec des notes de baies noires et une belle structure tannique. La préparation servie, intitulée 'Caccia al piccione' (chasse au pigeon), présente une poitrine de pigeonneau ultra-tendre rôtie sur charbon de bois, ainsi qu'une cuisse du même volatile frite avec quinoa rouge, le tout accompagné d'une réduction de pigeonneau.
Nous recevons à présent une préparation à peine sucrée faisant office de transition vers les desserts. 'This Little piggy went to the market' se présente sous la forme d'un petit cochon. L'animal est constitué d'un socle de crumble de cacahuètes et réduction de marsala, surmonté d'un 'bonet', ou pudding typique de la région du Piémont, réalisé à partir d'amaretti et de chocolat. Il est recouvert d'une sauce particulière, composée de foie, de chocolat noir et d'herbes, appelée sanguinaccio. Aussi étonnant que délicieux !
Le dernier vin du repas est un Largiller 2015 Cantina Toblino, du Trentin Haut-Adige, un vin complexe et élégant aux nuances fruitées qui accompagnera les desserts. Nous commençons par une assiette intitulée 'Consistenze di latte e erba' (consistance de lait et herbes). Cette création est axée sur le lait et les sous-produits de la production fromagère, ainsi que sur l'herbe où paissent les animaux : glace au lactosérum, lait croustillant, mousse de présure et de foin, caramel, chlorophylle et herbe coupée pulvérisée sur la table pour un effet supplémentaire. Un dessert très peu sucré, succulent et offrant un beau jeu de textures.
Le dessert suivant s'intitule 'Pane e oro' (le pain est d'or). Du pannetone est ici rempli d'une mousse de pannetone, zabaglione, raisins et oranges confites, puis recouvert d'or, afin de souligner la valeur intrinsèque du pain. Aussi succulent que magnifique !
Notre ultime dessert se compose de trois créations : Better than Popcorn come croccantino (croccantino fourré à la mousse de pop-corn) ; Un Boccone di Sud (une explosion citronnée) ; Zuppa Inglese, (version du baba au rhum fourré à la crème pâtissière et couverte de chocolat, toute en douceur).
Le menu 'We Are Here', un jeu de mots amusant avec des références à Bob Dylan, mais surtout une réponse astucieuse et subtile à tous les critiques qui sous-estiment un restaurant si le chef n'est pas présent, nous emmène en voyage à travers l'univers poétique de Massimo Bottura. Ses plats sont tout à la fois simples et ultra-complexes. Regorgeant de références culinaires régionales, ils nous propulsent là où l'on s'y attend le moins. S'attabler à l'Osteria Francescana, c'est se régaler d'une suite d'explosions gustatives, d'un concert gastronomique. C'est vrai, le coût peut paraître élevé, mais il s'agit d'une expérience 'once in a lifetime'.
Faut-il aller à l'Osteria Francescana ? Si vous parvenez à réservez une table et si vous avez une occasion extraordinaire à fêter, sans la moindre hésitation !