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C'est en 1930 que Jean-Baptiste Troisgros et son épouse achètent l'Hôtel des Platanes en face de la gare de Roanne. En 1965, le restaurant prend le nom des frères Troisgros, et dès 1968, décroche sa troisième étoile. Aujourd'hui, 47 ans plus tard, cette institution est toujours triplement étoilée. Cependant un déménagement historique interviendra en 2017, après 83 ans d'occupation. Le nouveau restaurant sera situé en pleine campagne, dans un manoir situé à Ouches, à une dizaine de kilomètres de Roanne.
Mais pour l'heure, nous sommes accueillis dans l'établissement roannais par un personnel extrêmement nombreux. On nous conduit à notre table dans une des salles, décorée avec une sobre élégance. Le dimanche midi, outre la carte, la maison propose un menu unique, de saison, proposé à 240 euros sans les vins, ou à 395 euros avec les vins. Nous optons pour la deuxième formule.
Ce repas s'ouvre par un champagne Duval-Leroy premier cru brut. Il s'accompagne très vite de quatre dégustations, qui arrivent simultanément. Tout d'abord, des sucettes de tomates tièdes et sésame, absolument divines.
La deuxième dégustation est un beignet de riz avec crème de citrons jaune et vert, très parfumé.
La troisième mise en bouche est une panna fritta, purée de courge et d'orange avec lamelles de poutargue (poche d'œufs de mulet).
La dernière mise en bouche est un toast au comté avec pois gourmands, oignons marinés et petits pois, tout en fraîcheur avec un beau jeu de textures.
On nous apporte un petit pain feuilleté au sarrasin, puis la première assiette proprement dite, un maquereau en gelée d'ananas avec une pointe de piment rouge. Une préparation très parfumée et d'une grande fraîcheur. Dans notre verre, un Montlouis-sur-Loire 2014 "Premier Rendez-vous" domaine Jousset, un vin sec et d'une belle minéralité.
Nous poursuivons avec une asperge blanche aux noix et oignons, fleurs de ciboulette et pistils de safran rouge, un mets aux saveurs très affirmées. Il est accompagné d'un Faugères 2013 Inverso Château des Estanilles, avec une bouche légèrement beurrée et d'une grande complexité, qui fait merveille avec le safran.
L'assiette suivante, qui s'intitule "Des huîtres à la mer", décline huîtres Gillardeau grillées, algues wacamé, dulce et salicorne, champignons, jus de champignons et huile de noisettes. Un plat d'une superbe salinité et parfaitement équilibré, étayé dans nos verres par un champagne d'exception, un Ruinart 2009 brut.
On nous sert ensuite une préparation d'écrevisses à la carmine (endive rouge), un plat aux saveurs intenses et développant une belle amertume. Les notes d'agrumes du Saint-Aubin 2013 La Chatenière Domaine Roux sont en parfaite adéquation.
Arrive notre dernière assiette marine, avec un "petit rouget rouge", soit un filet de rouget barbet avec un beurre au poivron, beurre monté citronné, chou paksoi, graines de sésame, poivre de Sichuan et nori. L'aspect rouge vif et laqué du poisson est saisissant, pour une assiette aux saveurs plus classiques, mais superbement mise en œuvre. Dans notre verre, un Muscadet de Sèvre et Maine 2005 Excelsior Domaine Luneau Papin d'une agréable fraîcheur et d'un très bel équilibre.
L'assiette suivante propose des grillons de ris de veau avec jus réduit et légèrement vinaigré, navets et fanes de navet, chapelure à l'ail, gingembre et piment, et une petite préparation au curry et à l'orange. Un plat aux saveurs très franches. Il est accompagné par un verre de Gevrey Chambertin 2012 Favorites Domaine Burguet, un vin complexe mais encore fruité, concentré et équilibré.
Arrive ensuite un très beau chariot de fromages, à partir duquel nous composons notre assiette.
Le premier dessert, intitulé "Viallat est passé par là" en guise d'hommage graphique, est un petit crumble avec panna cotta de coco et menthe, marmelade de rhubarbe et rhubarbe gélifiée, et poudre d'agrumes. Un dessert particulièrement réussi, secondé par un verre de Muscat Beaumes de Venise 2015 Domaine Alain Ignace.
"Comme sur un nuage", le dernier dessert à l'intitulé énigmatique, se présente effectivement sous la forme d'un petit nuage brillant. Il s'agit d'une mousse de sarrasin torréfié avec fraises des bois et fraises, voile de lait gélifié et liqueur de fleurs de sureau, d'une légèreté absolue.
Pour le café, nous passons au salon, où on nous sert un assortiment d'excellentes mignardises : tartelette au safran et à la fleur d'oranger, chou à la noix de coco et au citron vert, tuile à l'amande et à la gelée de rhubarbe. Tout cela est excellent, et clôture agréablement ce mémorable repas.
En conclusion, un passage dans ce temple mythique de la gastronomie française mérite incontestablement le détour. Le personnel est efficace, attentionné et sympathique, le cadre raffiné et apaisant. Quant à la cuisine, elle élève la tradition revisitée au rang de grand art, avec quelques légères influences extrême-orientales (notes vinaigrées dans de nombreuses préparations) et des saveurs à la fois franches et épurées. Côté vins, nous avons apprécié la qualité et l'adéquation de la sélection proposée, le sommelier ayant effectué un travail irréprochable.
Cerise sur le gâteau, nous avons pu visiter les cuisines à la fin du repas, ainsi que la très impressionnante cave abritant plus de 35.000 bouteilles.
Côté prix, nous nous situons clairement dans la gamme des triplement étoilés, mais cette expérience justifie amplement la somme déboursée. Du reste, pour un budget plus abordable, la maison propose le menu "Pour une première" à 135 euros boissons comprises, disponible certains midis en semaine.
Faut-il aller chez Troisgros ? Un moment d'exception à vivre au moins une fois dans sa vie...
Catherine et Daniel