Le restaurant De Pastorale (2 étoiles Michelin et 17/20 chez Gault&Millau) du chef Bart De Pooter est situé à un jet de pierre d'Anvers, dans la commune de Rumst. Installé dans un ancien presbytère, l'établissement offre un cadre résolument moderne et arty. Pour l'apéritif, la météo encore clémente de cette fin septembre nous pousse à prendre place dans le joli jardin subdivisé en petits bosquets, avec en point de mire une étonnante sculpture en bronze de Jan Fabre représentant Dirk Frimout dirigeant la mer. Nous optons pour une coupe de champagne Jean Diot Magie Blanche (18 euros) pour Daniel, et de champagne brut Pol Roger (22 euros) pour Catherine. La première dégustation est un jus de pomme, litchi et noix de coco versé sur une glace de potiron et kalamansi en forme de feuille, un démarrage tout en douceur.
Servi sur une longue tige, nous recevons ensuite un étonnant 'papillon' de pan corazón à base de sardine, garni de châtaignes fumées, châtaignes fraîches et pétales de fleur.
La dégustation suivante est un finger food déclinant trois éléments : cracker de caroube, crème à base de mimolette et wasabi ; câpres de fleur de sureau, crème de pistache, laitue et herbe citronnée ; feuille de radicchio garnie de tapenade d'algues et kimchi, gel de tomates fumée et framboise.
Après cette surprenante entrée en matière axée sur le côté brut de la nature, nous prenons place à l'intérieur, dans un décor placé sous le signe de sculptures de l'artiste flamand Arne Quinze, qui confèrent au lieu une ambiance toute particulière. Comme l'établissement le permet, nous optons chacun pour un menu différent, en l'occurrence le menu Aqua en 5 services à 135 euros pour Daniel, et le menu Signature, également en 5 services, à 195 euros pour Catherine, accompagnés de leur arrangement vins respectif (60 euros pour l'Aqua et 85 euros pour le Signature).
On nous présente tout d'abord un chariot d'ingrédients variés permettant de préparer un beurre manié au choix : graisse de Wagyu, beurre d'anguille, miso, bonite, écailles de poisson, pétales de fleurs... que le serveur sélectionne et mélange rapidement sur la plaque de sel glacée avec le beurre choisi, qui durcit à son contact. Un résultat aussi étonnant qu'esthétique.
Arrive une petite dégustation à base de tomate et feta, qui accompagne d'excellents pains.
Déposé sur un support en forme de champignon, nous recevons pour chacun des menus un taco de pois chiche avec différentes préparations de cèpes (notamment fermentés), noisettes, chou-rave, burrata et caviar, à déguster sans couverts.
Pour le menu Signature, Catherine reçoit un cheese-cake au chou-rave et anguille fumée, velouté de moules et caviar, tout en douceur et en finesse. Il est accompagné d'un Manzanilla papirusa solera reserva very dry de Lustau, qui crée l'équilibre avec la douceur de la préparation.
Pour le menu Aqua, Daniel se voit servir une panna cotta de noisettes, butternut fermentée, glace aux pignons, jus aux feuilles de câprier, courge spaghetti, crumble d'amarante et sel aux pétales de lavande et violette, une préparation complexe qui nécessite une préparation à table. Dans son verre, un Riesling Weingut Robert Weil vinifié sec de 2017.
Le menu Signature propose maintenant un tartare de langoustine avec radis violet mariné, graines de moutarde et sauce à base de mirabelles. Séparément, on vient présenter une langoustine badigeonnée de graisse de Wagyu, qui repart pour être cuite et revient accompagnée d'algues marinées. Un peu de zeste parachève le tout. Pour l'accompagner, un Valdesil Godello Sobre Lías, un vin ample et soyeux.
Pour le menu Aqua, l'assiette suivante, proposée en deux parties, décline soupe de fruits de mer, moules, couteau, fenouil, chou-rave et huître 'irish môr'. Dans le verre, un Riesling Trocken 2017 du Weingut Fritz Haag, offrant une belle acidité et une agréable minéralité.
La préparation suivante du menu Signature est un turbot grillé sur arête avec huître Gillardeau pochée, chutney de poivron vert, fruits de la passion, carpaccio d'épinards et sauce épicée à base mole verde aux herbes mexicaines. Elle est servie avec un remarquable Chassagne-Montrachet 2017 Bruno Colin blanc.
Pour le menu Aqua, une préparation en deux volets : calamar et anguille de l'Escaut oriental grillés au barbecue, baies de genièvre, ainsi que poulpe grillé et en carpaccio avec crumble de noisette, épinards et sauce à base d'ail noir. Dans le verre, un Rotem & Mounir Saouma Inopia Blanc 2017, un Côtes du Rhône bio vibrant.
Pour le menu Signature, la préparation suivante se décline également en deux parties : canard sauvage, carottes cuites à la graisse de canard, figue, orge et jus à base de carottes blanches, ainsi que cuisse de canard confite et glacée à la sauce hoisin. Pour l'accompagner, un Roda I Reserva Rioja 2012 avec une très longue finale.
Le menu Aqua propose quant à lui une dorade pochée bleue avec différentes préparations de pommes de terre, dont en salade, laitue grillée au barbecue, plantes salées, sauce à base de pomme de terre et huile de persil. Dans le verre, une fois n'est pas coutume, un vin belge, le Clos d'Opleeuw Chardonnay 2015, un excellent Chardonnay évoquant la Bourgogne.
Nous voici arrivés au dessert. Pour le menu Signature, il s'agit d'une préparation de coing, topinambour en trois façons, à savoir au sirop, cuit dans un beurre noisette et en pickles, avec glace au beurre noisette et sauce au koji. Un dessert très peu sucré, qui crée un bel équilibre avec le Tokaji Oremus Late Harvest 2017, une vendange tardive harmonieuse.
Le dessert du menu Aqua est axé autour du raisin Riesling, avec une feuille de vigne fourrée de sorbet de raisin et sorbet d'amandes, avec marshmallow de fromage bleu et jus de raisin Riesling. Dans le verre, la douceur d'un Goldtröpfchen Spätlese 2016 de Julian Haart.
Pour accompagner notre espresso (14 euros), nous recevons un plateau composé de différentes douceurs : une 'fleur de magnolia' avec chocolat et noix de coco ; une 'feuille' à base de mûre et caramel ; un kadaïfi à la crème de daidai (agrume japonais) et du chou-rave fourré aux fraises blanches fermentées ; du yaourt grec à la sauge, avec croquants de profiterole et estragon.
En conclusion, nous avons passé un moment de table aussi excellent que surprenant. La cuisine de Bart De Pooter témoigne d'une créativité omniprésente. Les assiettes, relativement complexes et souvent déclinées en deux volets, ne cèdent jamais à la facilité. Le chef ne cherche pas à séduire, mais à entraîner ses convives dans son voyage personnel, faisant la part belle à la nature dans son aspect le plus brut. Une certaine expérience gastronomique est donc nécessaire pour apprécier pleinement l'histoire qui nous est racontée ici. Côté addition, nous nous situons à un niveau de prix normal pour un établissement doublement étoilé.
Faut-il aller chez De Pastorale ? Très certainement, avec l'assurance d'y vivre une expérience surprenante.