Tables et voyages

Samedi 2 août

Nous quittons l'hôtel vers 9 heures du matin, et franchissons en voiture les 200 kilomètres qui nous séparent des montagnes Shibaoshan en un peu plus de trois heures et demie. Ce site unique regroupe notamment les grottes sculptées de Shizhongshan et le temple Baoxiang. Depuis le parking, une navette mène au site proprement dit, traversant plusieurs kilomètres d'un majestueux paysage de pins à flanc de montagne. Nous empruntons ensuite un réseau de  sentiers de randonnée très escarpés menant aux différents points de visite. Creusées dans la falaise entre le 9ᵉ et le 14ᵉ siècle, plus de 20 grottes sculptées bouddhistes, ornées de nombreuses statues et bas-reliefs d’influence chinoise, tibétaine et indienne, témoignent du rôle de carrefour culturel qu’occupait la région. Le temple Baoxiang, adossé à une paroi rocheuse et auquel on accède par un escalier impressionnant, abrite quelques magnifiques statues de bouddha en couleur. Le temps nous manque pour visiter tous les points, relativement distants les uns des autres, de ce site magique niché en pleine nature.

Nous retrouvons notre chauffeur qui nous emmène à Shaxi, notre lieu de chute du jour. Nous faisons une halte au Shaxi Bai Ethnic Bookstore, une antenne de la Librairie Avant-Garde, célèbre chaîne chinoise qui installe ses librairies dans des lieux atypiques (ancien parking souterrain, usine désaffectée, etc.). À Shaxi, un ancien grenier à céréales a été réhabilité et soigneusement restauré, mettant en valeur la charpente en bois et les murs bruts qui génèrent une atmosphère à la fois sobre et poétique. On y trouve une belle sélection d’ouvrages d’art, de littérature et de photographie, des livres spécialisés traitant de la culture ethnique bai ainsi que quelques objets artisanaux.

Notre chauffeur nous dépose à notre hôtel, le Shaxi Aoding Courtyard Hotel, aménagé dans une élégante demeure traditionnelle bai aux toits élancés, pleine de caractère avec ses cours intérieures pavées et ses galeries en bois. Le temps de déposer nos bagages, et nous partons à la découverte de Shaxi. Cette ancienne étape de la route du thé et des chevaux qui reliait le Yunnan à la Birmanie et au Tibet est particulièrement bien préservée. Nous nous promenons au fil de paisibles ruelles pavées bordées d’arbres, à l'ombre desquels s'alignent de pittoresques maisons de bois et de pierre mêlés. L’ancien théâtre est une scène ouverte sur la place Sideng où se tenaient autrefois spectacles et cérémonies.

Nous admirons longuement son harmonie architecturale, sa toiture élégante et ses colonnes finement décorées, avant de mettre le cap sur un restaurant proposant une alléchante cuisine locale. Daniel reçoit une énorme soupière de délicieux poisson baignant dans un savoureux bouillon, tandis que Catherine se régale d'une préparation de poulet en sauce, étonnamment servi froid. Nous profitons pleinement de ce succulent moment de table avant de regagner notre hôtel.

Dimanche 3 août

Nous prenons notre petit-déjeuner vers 8 heures, puis partons revisiter la vieille ville, différente sous la douce lumière du matin. Nous pénétrons dans le monastère de Wenshu, juste en face de l'ancien théâtre. Ce monastère, dont l'entrée est flanquée des deux traditionnels gardien-rois célestes, fait office de musée de la ville et retrace l'histoire de l’ancienne étape caravanière sur la route du thé et des chevaux. Il se compose de plusieurs pavillons et expose des objets archéologiques, des pièces artisanales bai ainsi que des documents sur la prospérité commerciale de la ville, avec un petit temple en arrière-cour.

Nous quittons Shaxi vers 10 heures et prenons la route en direction de Dali, où nous arrivons deux bonnes heures plus tard. Notre chauffeur nous dépose à l'entrée d'un long marché local organisé de part et d'autre d'un joli ruisseau canalisé et ombragé.

Nous profitons de la joyeuse animation ambiante, goûtons quelques préparations locales et divers fruits inconnus, nous régalons de deux grosses grappes de raisin Sweet Sapphire, délicieusement sucrés. Nous poursuivons notre visite du centre de la vieille ville, où de belles rues pavées rectilignes bordées de magasins se croisent à angle droit. Nous y achetons plusieurs galettes de thé Pu erh, typique du Yunnan, disponible cru ou cuit. Le thé cru est fermenté après moulage, stocké en cave humide pendant des années, tandis que le thé cuit est conservé mouillé sous bâche pendant au moins 45 jours avant d'être éventuellement moulé. Selon qu'il soit cru ou cuit, jeune ou vieilli, le thé Pu erh développe des saveurs variées, allant de notes légères, épicées à des arômes prononcés de sous-bois. Certains de ces excellents thés sont longuement affinés, et se vendent aux mêmes prix que d'excellentes bouteilles de vin.

Au nord de Dali s'étend le lac Erhai, l'un des plus hauts lacs de montagne de Chine, d'une superficie de 250 km². L'activité du jour consiste à en longer la berge en vélo en suivant la Xihuanhai Line, une route cyclable complètement encombrée de vélos, tricycles, scooters électriques, tandems et autres rosalies. Nous insinuons tant bien que mal nos jolis vélos de location aux couleurs pastel dans cette foule dense, tout en admirant l'immense étendue bleue du lac ridé par le vent.

Nous posons pied à terre après quelques kilomètres de balade, et prenons place à la terrasse d'un paisible petit café au bord de l'eau. Le barman, aidé par une personne parlant anglais appelée à la rescousse, nous propose d'être les premiers à tester le nouveau mocktail qu'il vient tout juste d'imaginer : un thé glacé avec jus de citron, oranges, menthe fraîche et un peu de sucre. Une boisson désaltérante et rafraîchissante, parfaitement bienvenue en cette chaude journée. Nous sirotons paisiblement nos verres, confortablement installés face au lac, avant de remonter sur nos bécanes et de rebrousser chemin. La foule semble encore plus dense qu'à l'aller, et nous nous perdons de vue. Daniel rejoint seul le point de départ où attendent le loueur de vélo et notre chauffeur. Catherine, par contre, dépasse le parking sans le reconnaître... Afin d'être à l'aise pour pédaler, elle a laissé à la garde de notre chauffeur son sac à main contenant ses documents d'identité et son téléphone portable ! La voilà donc perdue au milieu d'une foule de Chinois, sans aucun moyen de communication. Elle finit par entrer dans un café, trouve un interlocuteur parlant anglais, et lui demande d'appeler Daniel en lui donnant le numéro de téléphone qu'elle connaît par cœur. Mais la tentative échoue, car les Chinois n'ont pas accès aux appels vocaux internationaux... Heureusement, un jeune homme intervient, et indique qu'il est néanmoins possible d'envoyer des messages internationaux. Le message est envoyé, Daniel le reçoit et de fil en aiguille tout rentre finalement dans l'ordre, au bout de plus de deux heures de situation tendue.

Il est déjà 20h15 lorsque nous arrivons enfin au village de Xizhou, au nord de Dali. Notre chambre est réservée au Xizhou Sky Valley Heritage Boutique Hotel, aménagé dans une demeure historique classée au patrimoine national, et offrant un mariage réussi entre architecture traditionnelle et design contemporain East meets West, avec des touches artistiques telles que calligraphies, céramiques et objets artisanaux bai. Nous n'avons cependant pas beaucoup de temps pour admirer tout ceci, car on nous signale que les cuisines des restaurants ferment tôt, et qu'il est temps de se mettre en route. Nous jetons notre dévolu sur une adresse proposant des préparations aux morilles, ainsi qu'en témoignent les photos de la devanture. Mais suite à un quiproquo avec le serveur, qui semble vouloir nous installer aux tables du restaurant voisin, nous finissons par recevoir un plat de crevettes et une autre préparation de poule-soie, une volaille à chair noire très appréciée en Chine. Nous nous régalons de ces deux plats généreusement servis avec du riz, de la bière et du thé, pour un total de 164 yuan, soit un peu moins de 20 euros.