Cher lectrice, cher lecteur, bonjour !
La nouvelle adresse de L'air du temps, haut lieu de rendez-vous culinaire de Sang Hoon Degeimbre, n'est accessible que depuis quelques mois. C'est un grande ferme en carré, où plusieurs bâtiments de briques peintes en blanc cernent un jardin intérieur, le tout posé au milieu de 5 hectares d'espace dédié aux cultures des herbes, fleurs et légumes utilisés au restaurant.
Une petite porte rouge donne accès à la réception. L'intérieur est tout en sobriété, décliné dans des tons clairs. On nous amène directement à la chambre que nous avons réservée. Celle-ci, située à l'étage, est également décorée avec beaucoup de dépouillement, dans les tons de gris, et donne sur le vaste terrain réservé aux cultures.
Notre chambre |
Vers 19h30, nous descendons au restaurant, et on nous installe dans la petite salle qui offre une vue sur la cave à vin. La décoration est à l'image du reste de l'établissement : épurée et de bon goût.
En ce samedi soir, une seule option s'offre à nous : le menu Terroir contemporain. Nous choisissons de l'accompagner de la sélection de vins proposée.
On nous accueille avec un petit verre d'eau de fenouil, aussi rafraîchissant qu'original, servi en guise de bienvenue. Il s'accompagne très vite d'un pain très particulier, une sorte de très fine dentelle croquante présentée sur une grosse pierre fendue.
Pain de bienvenue |
On nous apporte également deux coupes de champagne Bérèche et Fils, 100% Pinot meunier, qui donnent le feu vert au snacking.
Tout en lisant les quelques notes explicatives relatives aux produits et à la philosophie du restaurant, nous apprenons que le chef recommande de manger avec ses doigts, un plaisir indispensable. Justement, on nous apporte une "moule-frites" revisitée, que nous devons saisir avec les doigts dans une cassolette. La "coquille" est en réalité à base de pomme de terre, et la composition dégage une agréable saveur marine. Vient ensuite un millefeuille avec beurre fumé, sorte de petit roulé révélant une saveur herbacée et une structure fibreuse en finale.
Millefeuille avec beurre fumé |
Viennent ensuite un cône de persil, surprenant de légèreté et de texture, et une triple déclinaison de betteraves: rouge laquée, Chioggia et jaune.
Cônes de persil |
Betteraves |
Cette entrée en matière se poursuit par quelques bouchées: deux raviolis liquides de fenouil, et un œuf coque cuit à 63°C avec beurre aux noisettes et crumble de lard et oignon, qui nous frappe par la précision de sa cuisson et l'extrême légèreté de cette préparation.
Raviolis de fenouil |
Œuf coque |
Le premier vin servi, qui ouvre la partie dégustation du repas, est un Baga Filipa Pato 2012, un rouge servi frais, dont l'arôme de cerise annonce notre première assiette, composée de choux raves, chizo, cerise et agastache.
Choux raves |
Pour l'assiette suivante, on sert dans nos verres un Muscat-Otttonel 2012 de la maison Velich, vinifié sec. Il accompagne une composition à base de haricots, œuf, noisettes et minuta. Ici encore, règnent en maître cette extrême légèreté et l'intensité gustative qui marqueront du reste l'ensemble du repas.
Haricots, œuf, noisette et minuta |
Le Chardonnay 2011 Empreinte de Bénédicte et Stéphane Tissot qui suit exhale des arômes miellés et épicés, qui se conjuguent avec une tomate crevette revisitée, les crevettes étant travaillées à la manière d'une bisque, et la tomate faisant place à de très savoureuses tomates cerises de différentes espèces et saveurs, qui proviennent en droite ligne des serres du jardin.
Tomates crevettes |
En guise d'entremets, nous recevons une mini-gaufre, à la saveur fumée extrêmement présente et assez déroutante.
Mini-gaufre |
Un nouveau vin arrive, cette fois un Schieferterrassen 2011 Heymann-Löwenstein, vif, complexe et d'une belle minéralité. Il accompagne un foie gras au sansho tiède, avec oignons rouges en pickles, anguille fumée et ananas. Un beau dialogue de saveurs.
Foie gras et anguille |
Autre vin encore : un Côtes du Rhône, Domaine Gramenon, aux arômes de fruits rouges et épices. Après une petite bouchée à la viande fumée et au fromage et à la ficoïde glaciale, il accompagne un ris de veau et langoustine, un classique réinterprété par le chef. L'intensité gustative poursuit son ascension.
Bouchée à la viande fumée |
Ris de veau et langoustine |
En guise de dernier "plat" - les catégories classiques n'ont ici pas droit de cité - nous recevons un confit de volaille, peau d'estragon, peau de volaille et céleri, présenté en deux assiettes séparées. Dans notre verre, une Cuvée Vom Berg 2010.
Volaille, estragon et céleri en deux assiettes |
Le repas s'oriente ensuite vers plus de douceur, avec une composition d'aubergines, miso et kalamansi, un petit agrume asiatique. Le délicieux porto Colheita de 1999 l'accompagne à merveille comme, du reste, la dernière assiette de chocolat, yaourt et céréales soufflées. Ces deux préparations de fin de repas expriment leur douceur tout en restant à mille lieues des desserts sucrés classiques.
Composition d'aubergine |
Chocolat, yaourt et céréales |
Pour terminer ce long repas, nous commandons encore deux expressos. En guise de "mignardises", nous recevons des framboises fraîches fourrées, un jus d'herbes du jardin, puis une nacelle suspendue à un ballon gonflé à l'hélium contenant des bonbons maison.
Framboises fourrées |
Jus d'herbes |
Nacelle de bonbons |
En conclusion, nous avons découvert une cuisine d'exception, qui fait la part belle aux saveurs végétales subtiles et aux mariages inattendus. Aucun ingrédient n'est subordonné aux autres dans la composition à laquelle il participe. Tous s'expriment pleinement. La sensibilité du chef donne vie à des créations extrêmement personnelles, qui sollicitent une réelle "intelligence gustative" de la part du convive. Ce dernier ne peut à aucun moment rester passif dans sa dégustation.
Bien sûr, cette magie a un prix. Le menu Terroir contemporain est proposé à 140 euros par personne, et la dégustation vins à 65 euros, auxquels il faut encore rajouter les éventuels apéritif et café. Si on désire prolonger la soirée en logeant sur place, il faudra débourser encore un minimum de 120 euros pour une chambre double, ainsi que 15 euros par personne pour l'excellent petit déjeuner.
Faut-il aller à L'Air du temps ? Si votre ambition est de vivre un moment d'exception, vous serez comblés. A réserver toutefois aux grandes occasions et/ou aux portefeuilles bien garnis.
Catherine et Daniel