Mercredi 24 juillet (suite) : de Sallualo à Tampan Bonga
Notre étape suivante est pour Sallualo, où nous assistons au deuxième jour des funérailles d’un homme de condition modeste, décédé il y a un an à l'âge de 70 ans. La ma'badong est une danse funéraire où les participants se tiennent par les petits doigts en formant un cercle. Ils dansent en un mouvement fluide unique tout en psalmodiant la vie du défunt, passant en revue ses actes les plus louables.
Pour les Toraja, les sacrifices des porcs et des buffles sont vus comme des offrandes aux ancêtres et aux esprits. Ils sont censés aider l'âme du défunt à atteindre le Puya, le monde des morts. Plus le statut social du défunt et de sa famille est élevé, plus le nombre de sacrifices est important, en particulier les buffles qui sont considérés comme sacrés et symbolisent la richesse.
Dans le cas présent, quelques petites dizaines d'animaux seulement seront sacrifiés, car il s'agit d'une cérémonie funéraire de caste inférieure... dont le coût avoisine néanmoins les 50 000 euros.
Plusieurs porcs sont sacrifiés sous nos yeux, à coups de machette, entravés dans des bambous. Leur agonie dure de longues secondes, ils crient et couinent de peur et de douleur, ce que les Toraja interprètent comme un signe de la transition de leur esprit vers l'au-delà. Les porcs sont ensuite éviscérés puis brûlés au chalumeau.
Pour le buffle qui suit, un seul coup de machette bien placé suffit à le faire passer de vie à trépas en deux ou trois secondes. La vision de ces scènes sont difficilement supportables pour nos yeux d'Occidentaux.
Nous sommes soulagés de quitter la zone des sacrifices et de suivre une procession guidée par trois représentants de la caste des chasseurs, au son d'un groupe de femmes qui frappent un tronc d'arbre avec de longs bambous. Nous prenons place sur des nattes à l'abri d'un pendopo, hommes et femmes séparés, et recevons chacun un petit en-cas offert par la famille du défunt, accompagné de thé et de tuak, jus de palme fermenté, servi dans des sections de bambou fraîchement coupées.
Nous quittons Sallualo et reprenons la route en direction de Tambunan, où nous dégustons quelques spécialités : soupe de carottes, puis du bœuf rendang à la sauce tamarin et un délicieux poulet à la citronnelle cuit à l'étouffée dans un tronçon de bambou (pa'piong), le tout servi avec du riz blanc (ketan) et noir (injin).
Quelques kilomètres plus loin, nous faisons une nouvelle halte à Tongku Sarapung, et découvrons quelques très vieilles niches et tombes, aménagées dans une grotte, certaines datant de plusieurs siècles. De nombreux ossements sont empilés ça et là, laissés sous la seule garde des Tau-tau encore debout.
Plus loin encore, à Lembang Turunan, nous découvrons les arbres/tombes des bébés Toraja. Les bébés décédés sont placés dans des cavités creusées dans le tronc d'un arbre. Ces cavités sont ensuite scellées avec des fibres de palmier. Selon la croyance, l'enfant est ainsi réuni intimement avec la Nature, et continue de grandir à mesure que l'arbre pousse.
Au terme d'une route tortueuse et alors que le soir tombe, nous arrivons à Tampan Bonga, étape finale de notre périple du jour. Notre maison d’hôtes est une construction moderne, adossée au tongkonan familial, et fait face à une rangée de six greniers à riz communautaires (lumbung). Nous faisons connaissance avec notre famille d'accueil et, tout en dégustant un excellent café, nous assistons à la préparation d'un authentique pa'piong. Les morceaux de poulet sont mélangés à de la noix de coco râpée, de la citronnelle, des piments, de l'ail, du gingembre, et d'autres épices et herbes locales. La préparation est insérée dans une section de bambou, laquelle est scellée puis posée en biais dans un feu ouvert. La cuisson à l'étouffée dans le bambou infuse les aliments tout en conservant la tendreté de la viande.
Outre ce délicieux pa'piong, on nous sert du poulet frit bien épicé, un riz blanc parfumé, et d'excellentes racines de manioc frites. Nous parlons de choses et d'autres, aidés par les traductions de notre guide, tandis qu'une courtilière stridule du fond de son terrier, juste derrière la maison.
Notre chambre à l'étage est réduite à sa plus simple expression : un matelas à même le sol, une armoire et une prise de courant. Nous faisons l'impasse sur notre toilette, étant donné le côté très spartiate des commodités.